
Nous sommes en guerre paraît-il ! contre un virus. C’est un peu oublier l’Histoire, ses guerres et ses pandémies. Mélanger les problèmes n’a jamais permis de trouver des solutions. Je ne sais pas si nous sommes en guerre, mais les solutions proposées nous ont bien plongé dans une économie de guerre avec un petit zeste de joyeuse ambiance soviétique. Les guerres sont propices aux innovations, elles leur trouvent un marché et des débouchés. L’innovation que l’Histoire retiendra de cette période n’est pas un vaccin. Les politiques et les économistes, meilleurs botanistes que prévisionnistes, ont enfin découvert « l’Arbre qui donne des Sous ». Espérons que cette innovation majeure se démocratise rapidement et que nous trouvions bientôt des graines dans toutes les bonnes jardineries.
Mais l’innovation qui m’intéresse ici est une proposition purement française : l’auto-autorisation. Le concept est simple : une loi interdit de circuler et de sortir de chez soi MAIS vous pouvez transgresser cette loi SI vous vous y auto-autoriser à l’avance. La préméditation est importante. Si vous n’avez pas prévu de transgresser la loi et que vous êtes surpris hors de chez vous sans votre auto-autorisation, vous êtes bon pour une amende. Vous pouvez vous auto-autoriser autant de fois que vous voulez, il n’y a pas de contrôle. C’est la solution géniale trouvée par l’Administration française pour lutter contre un virus, ennemi de l’intérieur par définition. Les Allemands en 1940 n’y avaient pas pensé, étonnant non ?
Un concept important en créativité est la technique du rebond. Quelle que soit l’idée proposée, qu’elle vienne de vous ou d’un autre, que vous la trouviez géniale ou totalement idiote, il faut toujours l’accepter sans jugement et se demander ce qu’on pourrait en faire. On peut toujours rebondir sur une idée qu’on trouve saugrenue. Avec l’absurde, c’est plus difficile.
On peut déjà remarquer que si vous ne vous auto-autorisez pas à sortir, alors vous vous autorisez à rester enfermé. Donc, la loi n’est pas une contrainte, vous n’êtes pas prisonnier, vous exercez seulement votre liberté de ne pas vous déplacer. Ce genre d’injonction peut rendre fous les plus fragiles psychologiquement (ref 1 & 2).
Du coup, peut-on décliner le concept ? Il devient plus contraignant d’exercer sa liberté que de respecter une contrainte sociale. On ne ferait donc plus des lois qui interdisent mais des lois qui obligent à s’auto-autoriser pour faire quelque chose. L’Etat n’est plus liberticide, il devient juste obligataire. Par exemple, il n’est plus interdit de cambrioler si au préalable, on s’auto-autorise à le faire en rédigeant un papier qu’on ferait tamponner à la Préfecture. La police n’aurait plus qu’à enquêter sur les vols non auto-autorisés et la Justice pourrait juger facilement les vols auto-autorisés sans besoin de preuves et autres peccadilles. Evidemment, l’absence d’auto-autorisation couterait plus chère que le délit de vol auto-autorisé. C’est l’univers du Disque Monde de Terry Pratchett qu’il n’y a plus qu’à transposer en France.
Autre déclinaison du concept sur laquelle le Gouvernement semblait beaucoup compter. S’auto-autoriser à faire quelque chose revient à prendre conscience qu’on va transgresser une loi, donc faire quelque chose de mal. C’est une méthode éducative innovante. On pourrait ainsi enseigner aux jeunes enfants des maternelles à s’auto-autoriser préalablement avant faire une bêtise. D’une part, ça les motiverait à apprendre à écrire. D’autre part, ils prendraient conscience par eux-mêmes qu’ils vont faire une bêtise. Là encore, la punition serait moins dure en cas d’auto-autorisation que sans.
Je suis sûr qu’en creusant, on peut trouver des tas d’autres applications à cette géniale innovation de notre gouvernement qui nous permettraient de montrer au monde entier, et aux régimes totalitaires plus spécialement, ce que signifie vraiment notre belle devise « Liberté, Egalité, Fraternité »
Un grand général aurait dit « les français sont des veaux ».
Il faut visiblement beaucoup de créativité pour diriger des veaux.
Le problème, c’est si les veaux deviennent créatifs.
Référence :
https://www.cairn.info/revue-essaim-2007-1-page-31.htm délicieux passage totalement surréaliste à en devenir comique extrait du livre La passe, une équivoque instituante d’Annie Tardits dans Essaim2007/1 (n° 18), pages 31 à 36
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