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  • Thierry Fargère - Corpen

Technique de créativité : la « mise à mort », un détournement de TRIZ


J’en avais entendu parlé mais je ne l’avais jamais expérimenté.

Un jour, votre téléphone vous demande avec insistance de procéder à une « mise à jour ». Il s’agit comme toujours de préserver votre sécurité, vous apporter de nouvelles fonctionnalités et de sublimer votre expérience client. Il insiste tellement à chaque connexion que vous finissez par céder. Et là, d’un coup, votre bijou technologique se transforme en boitier à recharger toutes les 5 heures, la touche centrale fonctionne quand elle le décide et le téléphone capte les réseaux comme si vous étiez en Sibérie. Vous vous précipitez à l’Apple Store (oui, il s’agit d’un Iphone) pour qu’on redonne vie au plus vite à votre indispensable auxiliaire de vie moderne.

Vous êtes reçu par des jeunes gens tout sourire qui vous appellent immédiatement par votre prénom comme si vous étiez un vieil ami, alors que vous êtes un CLIENT. Là, on vous fait un petit brainstorming avec des tests super-techniques en direct et jargon à l’appui de toutes les causes de votre malheur :

  • La mise à jour a révélé un défaut grave de votre batterie, il était temps de la changer, vous avez trop attendu, vous avez de la chance qu’elle ait tenue si longtemps. Ça tombe bien, nous avons une promo à 39€.

  • La touche, ben, vous avez dû le faire tomber sans vous en apercevoir. Il faut changer tout l’écran. (110€, pas de promo)

  • Vous captez mal les réseaux ? ç’est certainement votre opérateur qui a des problèmes mais ne veut pas en parler (sur le ton de la confidence et le regard des adorateurs de la thèse du complot universel)

  • On espère que vous avez bien fait vos sauvegardes, car il va falloir écraser toutes les données pour réinitialiser le système.

Bref, vous êtes le client mais tout est un peu de votre faute. C’est là que vous comprenez que la fameuse « mise à jour » est en fait une « mise à mort ».

Le changement de batterie et la réinitialisation n’ayant rien donné, vous vous résignez à accepter la seule solution qui s’impose à l’esprit de votre interlocuteur après tous ces pseudo-tests et brainstorming. Il faut changer l’appareil et là, miracle, on peut justement vous en proposer un d’occasion (mais comme neuf, promis, juré) pour seulement 330€. Au final, vous vous retrouvez comme 3 semaines auparavant, avec le même appareil, la même autonomie et les mêmes fonctionnalités mais délesté de 179€ (je me suis un peu fâché, ça a fait effet). Le gain pour Apple est de 509€ car je ne doute pas que mon ancien appareil sera revendu au « client » suivant.

Preuve que cette technique de créativité est efficace.

Revenons à la créativité :

La technique créative qu’utilise Apple que j’appelle ici « mise à mort » et d’autre plus savant « obsolescence programmée » est en fait le principe inventif n°10 « Action préalable » de TRIZ :

10.1 : Si un objet subit des effets négatifs de l'environnement, créer les conditions préalables évitant à l'objet d'être endommagé par ces effets négatifs.

10.2 : Si un objet doit être modifié et que la modification est problématique, appliquer de manière anticipative un changement partiel ou complet

Ce principe est très largement utilisé, c’est le principe de base de la maintenance préventive. Il sert également à résoudre de nombreuses contradictions techniques comme par exemple : il est nécessaire d’appliquer une force sur une plaque de béton mais alors l’épaisseur doit être grande pour une grande résistance mécanique. Or je souhaite une plaque d’épaisseur fine pour des raisons de poids. Il y a contradiction entre la forme (paramètre 12) et la résistance (paramètre 14). Une solution inventive qui permet de résoudre cette contradiction est d’appliquer de manière préalable une force sur le béton qui compensera la force qui sera appliquée en cours d’utilisation. C’est le béton pré-contraint.

Apple est certainement une entreprise innovante qui utilise peut-être TRIZ. Il est dommage, pour nous clients (pas pour les actionnaires), que cette société utilise ses ressources créatives pour son seul profit et pas celui de ces clients. Il y a beaucoup de sujet sur lesquels Apple pourrait utiliser le principe inventif n°10 pour améliorer ses produits et leurs impacts écologiques puisqu’on sait d’avance que des composants et des logiciels devront être remplacés.

On nous vend l’innovation comme une valeur positive qui irait forcément dans le sens du mieux pour le client. C’est bien sûr une illusion.

La créativité, pas plus que le business, n’a de morale.


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